mercredi 7 février 2007

Négociations, ou obsessions saoudiennes?

6.02.2007 - Des négociations très âpres s’annoncent pour les semaines à venir. Peut-on même employer le terme de “négociations” quand on analyse les éléments ?

Le roi Abdallah d’Arabie saoudite a annoncé, dans une missive adressée au président américain:

  • que le sommet qui doit se tenir aujourd’hui à Riyad “satisfaisait la plupart des objectifs que s’étaient fixés la diplomatie américaine”.
  • que le gouvernement d’union palestinien serait mené par une personnalité neutre à la place d’Ismaïl Hanyeh et que les portefeuilles principaux iraient au Fatah ou à des indépendants.

À la clef, et sans attendre les réactions des Américains, Abdallah a déjà annoncé que si l’embargo économique n’était pas levé à l’issue du sommet, l’Arabie saoudite se substituerait pour le financement de l’administration palestinienne, à hauteur d’un milliard de dollars.

Le gouvernement saoudien mène un grande campagne de séduction à l’intention des membres du quartette, qui ont reçu une copie de la lettre adressée au président Bush, mais veut aussi faire pression sur Israël pour accepter de dialoguer avec le Hamas.

On s’étonne de la tonalité optimiste du contenu de la “médiation” saoudienne, quand on sait qu’elle s’accompagne d’un refus de reconnaître les accords antérieurs: “le nouveau gouvernement n’acceptera pas les accords antérieurs, y compris les accords de paix que l’OLP a signés avec Israël. Le nouveau gouvernement formé à l’initiative de La Mecque ‘respectera’ uniquement ces accords, mais sans les accepter”.

Cette nuance est révélatrice d’un marché de dupes qui ne devrait tromper personne. On ne peut plus parler, dès lors, “d’initiative de paix” désintéressée, mais d’une forte pression interventionniste de la part des Saoudiens.

Le Premier ministre israélien Ehoud Olmert doit rencontrer le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas dans la semaine du 19 février, à l'occasion d'une visite dans la région de la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, a annoncé mardi Miri Eisin, porte-parole du chef du gouvernement israélien.

Les discussions sont destinées à “relancer le processus de paix pour tenter de parvenir à un accord final et à la création d'un Etat palestinien indépendant”. (AP)

Compte tenu des auspices sous lesquelles se présente “l’initiative de La Mecque”, et du fait que des responsables palestiniens sont attendus cette semaine à Washington pour préparer cette rencontre, on peut légitimement prévoir que la prochaine entrevue avec Olmert sera assortie d’une proposition musclée de la part de Condoleeza Rice. [ voir la transcription de sa conférence de presse à Londres le 18 janvier dernier ]

Par ailleurs, les activités nucléaires de l’Iran ne semblent pas émouvoir outre mesure les membres du “quartette”, parmi lesquels la Russie et la France se refusent toujours à considérer le Hamas et le Hezbollah comme des organisations terroristes.

On entrevoit clairement que si une pression internationale faisait le forcing pour qu’aboutisse un tel “deal”, cela signifierait qu’un gouvernement d’union palestinien adoubé par l’Arabie saoudite verrait un nouveau financement s’ajouter à celui de l’Iran. Cela laisserait la main libre au Hamas pour intensifier un effort de guerre au sein du nouveau gouvernement et entamer un conflit régional depuis Gaza, coordonné avec le Hezbollah depuis le Liban, tous deux agissant par procuration pour l’actuel gouvernement iranien.

La Syrie, quant à elle, mène de front des approches souterraines dans la perspective d’une éventuelle issue pacifique tout en se réarmant massivement auprès des Russes. Assad se donne donc toute latitude pour agir dans des directions radicalement opposées, en fonction d’où viendra le vent...

L’Europe ne peut se permettre d’adopter une conduite qui serait dictée par ses seuls intérêts économiques ou pétroliers, sans tenir compte des risques géo-stratégiques auxquels elle s’exposerait. Les circonstances ne sont pas aujourd’hui les mêmes que celles qui ont conduit l’Empire britannique à se dégager de son mandat en Palestine il y a soixante ans, dans des conditions largement influencées par la fourniture de pétrole saoudien à bon marché.

La paix a certes un prix, mais la survie d’Israël ne peut ni ne doit être bradée en tirant profit d’un moment où la direction du pays est particulièrement fragilisée par les scandales qui l’agitent.

Les conséquences seraient lourdes, car ce sont les dispositions qui régissent la sortie de crise au Moyen-Orient qui détermineront le futur niveau de sécurité et d’indépendance en Europe. Il serait absurde et dangereux de croire qu’en pressant Israël d’accepter “l’initiative saoudienne”, le vieux continent recevrait un “certificat de bonne conduite” permettant d’assurer à ses populations un avenir serein.

La poursuite du programme nucléaire iranien, le réarmement du Hezbollah et l’entreprise de camouflage que représente l’intégration du Hamas au sein d’un gouvernement d’union palestinien, constituent autant de démentis criants.

Albert CAPINO

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