mardi 8 novembre 2011

La diversion chinoise

par Alain Legaret


La crise économique qui touche l’Europe est sans précédent. Dans sa forme, et dans sa structure. Avec l’imbrication des différents systèmes financiers mondiaux, le risque de contagion et d’effondrement des économies concerne tous les pays.
Si certains tentent d’échapper à la faillite, d’autres cherchent à tirer profit de la situation.

Lors du sommet européen qui s’est tenu fin octobre à Bruxelles, la paire Merkel-Sarkozy a annoncé une batterie de mesures sensées éloigner l’Europe du précipice.
Les bourses du monde remontaient, le krach était évité.

Mais si le plan apparaît consistant sur le papier, notamment avec le renforcement du fond européen FESF qui devrait être assez garni pour pouvoir renflouer les pays en proie aux difficultés, il semble que tout ce montage manque de l’essentiel, à savoir l’argent frais sensé venir renforcer ce fond, ce fameux nerf de la guerre dont nul n’en a encore vu la couleur et dont  personne ne sait qui en sera le pourvoyeur.


C’est ainsi que la rumeur des pays émergents et notamment de la Chine comme bailleur de fonds est venue combler ce manque. Les médias ont multiplié les annonces en ce sens, et les politiques ont réagi comme il se doit.

La Chine était donc vue comme le sauveur de l’Europe et elle allait exiger des contreparties en échange de son aide. Les débats ont alors tourné autour de ces fameuses contreparties, à savoir s’il était sage de "vendre l’Europe", en totalité ou partiellement, à l’Empire du Milieu.

L’hypothèse d’une scission de la Zone Euro en deux blocs, le premier emmené par l’Allemagne avec un Euro fort, et le second, incluant les pays à risque avec un Euro faible, voyait le jour.

Tout naturellement donc, au lendemain du sommet de Bruxelles, le patron du FESF s’envolait pour Pékin. S’il en revenait avec de belles paroles, il ne ramena pas un seul yuan dans sa poche.

Curieusement, ceux qui annonçaient haut et fort que la Chine ne pouvait laisser péricliter son plus grand marché, ne furent pas surpris. En effet, contrairement aux propos tenus par ces "analystes", la Chine n’a aucun intérêt à vouloir sauver l’Europe. Il est clair que si cette dernière s’appauvrit, elle continuera à consommer. Et quand on doit consommer quand on n’est pas riche, on consomme pas cher, donc, chinois.

Alors, le sauvetage de la Zone Euro repose-t-il sur un grand bluff ? D’où l’Europe prise à la gorge peut-elle se procurer l’argent nécessaire ?

Sachant que l’Allemagne, qui est au premier plan concernée, ne souhaite plus risquer un seul Euro dans ce sauvetage, il doit être assez difficile de trouver des investisseurs qui trouvent l’affaire juteuse. Les Etats-Unis, eux aussi fortement endettés, ne peuvent se permettre de se lancer dans l’aventure délicate de vouloir sauver le soldat européen.

Qui pourrait donc être alors intéressé à augmenter sa sphère d’influence en Europe ? Car si l’aspect économique n’est pas attrayant, l’aspect politique peut toujours séduire.

Or depuis le fameux sommet de Bruxelles et la piste chinoise qui apparaît de plus en plus comme un leurre, plusieurs évènements ont pu retenir notre attention :


-L’AIEA a enfin annoncé ce que l’on attendait depuis des années, à savoir qu’elle aurait des preuves que l’Iran développe bien un programme militaire.

-Les plans pour attaquer l’Iran seraient sur la table, c’est du moins ce qu’ont annoncé plusieurs pays occidentaux.

-Après de nombreux mois de massacre de la population syrienne par le régime de Bachar El Assad dans un relatif silence de la communauté internationale, la France, par la voix d’Alain Juppé, a enfin porté des critiques virulentes contre l’allié de Téhéran.

N’oublions pas que si Israël s’inquiète des avancées militaires de l’Iran, ce sont d’abord les monarchies arabes du golfe qui souhaiteraient se voir débarrassées des ambitions nucléaires du régime des mollahs.
En 2010, les révélations de Wikileaks confirmaient d’ailleurs les sollicitations insistantes des riches Arabes du golfe auprès des Etats-Unis pour user de l’option militaire contre l’Iran.

-Lors du sommet du G20, une courte conversation privée entre Obama et Sarkozy durant laquelle les deux présidents s’emploient justement à dénigrer Benyamin Nétanyahou, arrive grossièrement aux oreilles de journalistes.

-Deux jours après le sommet de Bruxelles, la France faisait volte-face en votant en faveur de l’étrange adhésion des Palestiniens comme membre à part entière de l’UNESCO, en totale contradiction avec ce qu’elle avait laissé entendre précédemment, tandis que l’Allemagne et d’autres pays d’Europe du nord votaient contre cette adhésion.

Alors, se dirige-t-on effectivement vers la solution d’une Zone Euro à deux vitesses ?
Les pays de l’Europe du sud aux abois auraient-ils accepté, pour renflouer les caisses, de l’argent frais en provenance de pays arabes?
Les derniers événements pourraient bien ressembler à des contreparties d’un accord qui irait dans ce sens.

On comprendrait alors l’usage fait du paravent chinois. 
Car si l’idée d’une dépendance économique de l’Europe faisait déjà grincer des dents, on n’ose imaginer les conséquences d’une dépendance qui serait aussi politique et culturelle, tant sur la scène internationale que dans les rues et dans les urnes.  

Surtout que l’Europe n’en serait pas à sa première cachotterie financière. On pourrait rappeler le scandale rapidement étouffé concernant les aides au "peuple palestinien" transmises sous forme de sommes considérables versées en liquide à Yasser Arafat. En pleine deuxième Intifada, lorsque le député européen socialiste François Zimeray suggéra d’établir un système de traçabilité pour vérifier si ces fonds n’étaient pas utilisés à des fins terroristes, il fut tout simplement débarqué par son propre parti.
Et pourtant, des documents trouvés au QG du Raïs palestinien attestaient que ce dernier rémunérait effectivement les familles des kamikazes. Quant à Souha Arafat, l’ex-femme du petit père des pauvres palestiniens, elle devenait ensuite l’une des veuves les plus riches du monde.

Aujourd’hui encore, alors que l’Europe est au bord du gouffre et qu’aucun candidat ne se présente au portillon pour lui porter secours, les bourses du monde, après un été mouvementé, continuent de grimper.

Peut-on en conclure qu’à défaut d’avoir une Europe vendue aux Chinois, la solution d’une Europe vendue aux Arabes serait une éventualité sérieuse ? La question mérite d’être posée, et elle expliquerait bien des incohérences.


© copyright Alain Legaret pour Le Monde à l'Endroit 

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